La société à mission : L’émergence du capitalisme responsable
La loi Pacte a consacré la notion de « société à mission » aux articles L.210-10 à L.210-12 du Code de commerce.
Ainsi, une société commerciale, quelle que soit sa forme (SARL, SAS, SA, …), peut affirmer publiquement sa raison d’être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux.
Pour pouvoir se présenter « à mission », la société doit remplir les conditions suivantes :
- Ses statuts doivent préciser une raison d’être (article 1835 du Code civil) ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre et les modalités du suivi de l’exécution de cette mission,
- La réalisation de ces objectifs doit faire l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant, et
- La société doit déclarer sa qualité de société « à mission » au Greffe du Tribunal de commerce dont elle dépend.
I. La raison d’être de la société
Selon l’article 1835 du Code civil, la raison d’être correspond à :
« des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».
La raison d’être se distingue de l’objet social car elle ne concerne pas la nature de l’activité de la société.
Il s’agit d’une ambition que les associés se proposent de poursuivre dans le cadre de leur entreprise : c’est l’affirmation des valeurs que la société entend promouvoir dans l’accomplissement de son objet (A. Viandier, La raison d'être d'une société).
a) Comment formuler la raison d’être ?
Insérée dans les statuts, elle oblige les associés à l’adopter aux conditions de majorité prévues pour les décisions extraordinaires.
La clause prévoyant la raison d’être peut être large et synthétique (grands principes) ou plus détaillée par l’énoncé d’une certain nombre de principes directeurs.
Sont des raisons d’êtres :
- « Apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement en préservent la planète » - SNCF,
- « Rendre durablement le plaisir et les bienfaits de la pratique du sport accessibles au plus grand nombre » - DECATHLON,
- « Engager notre génération contre le dérèglement climatique » - FAGUO,
- « Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre » - DANONE,
- « Fidèle à l’esprit français d’ouverture et d’audace, la société n’a de cesse, depuis sa création, de réinventer avec panache l’industrie textile française dans ses codes et ses valeurs.
La société s’engage à l’égard et avec des partenaires (entreprises, associations, créateurs) à construire une industrie textile plus juste, innovante, agile et riche d’un écosystème créatif et actif.
La société entend également générer un impact social, sociétal et environnemental positif et significatif dans l’exercice de ses activités » - LE SLIP FRANÇAIS
b) Quelles sont les conséquences du non-respect par la société de sa raison d’être ?
Une raison d’être visant « la croissance responsable et le développement durable » semble incompatible avec la fermeture d’un site industriel pour le délocaliser dans un pays dont les coûts de production sont moindres.
Dès lors, la méconnaissance de la raison d’être par un dirigeant constituerait une violation des statuts engageant la responsabilité de celui-ci à l’égard de la société et de ses associés.
Il pourrait s’agit d’un juste motif de révocation du dirigeant.
Dès lors, il conviendra de rédiger avec soin la raison d’être de la société :
- Insérer des termes incitatifs : « la société s’efforcera de … »,
- Eviter les objectifs chiffrés,
- Assortir la raison d’être de réserves ou d’exception : « Dans la mesure où l’environnement concurrentiel le permet … » ou encore « Sauf en cas de dégradation de la situation économique… ».
II. L’instauration d’un Comite de mission ou d’un « Référent de mission »
Un Comité de mission, distinct des organes de direction et comportant au moins un salarié, est chargé du suivi de l’exécution de la mission et de la rédaction d’un rapport présenté chaque année lors de l’approbation des comptes de la société.
Les sociétés de moins de 50 salariés peuvent prévoir qu’un Référent de mission, pouvant être un salarié, se substitue au Comité de mission.
III. La vérification par une Organisme Tiers Indépendant
Cet organisme est chargé de vérifier, au minimum tous les 2 ans, l’exécution des objectifs poursuivis par la société.
L’Organisme Tiers Indépendant (OTI) est désigné pour une durée de 6 exercices (renouvelable une fois) et est soumis aux mêmes incompatibilités que les Commissaires aux comptes.
L’OTI émet un avis qui est joint au rapport du Comité de mission et publié sur le site internet de la société où il doit demeurer accessible au public pendant au moins 5 ans.
IV. Sanction du non-respect des conditions de la société à mission
Si les conditions posées par le législateur ne sont pas respectées ou si l’avis de l’OTI conclut qu’un ou plusieurs des objectifs poursuivis ne sont pas respectés alors le Ministère public, ou toute autre personne intéressée, peut saisir le Président du Tribunal de commerce aux fins d’enjoindre au dirigeant de la société de supprimer la mention de « société à mission » de tous les actes émanant de celle-ci.
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